Cet été, je nageais dans la rivière, du côté de la plage. Sur l’autre rive, c’était des roches verticales, brutes, somptueuses, des roches comme seule l’Ardèche en régale. L’eau était délicieuse, douce, accueillante.
J’ai traversé à la nage. On pouvait facilement se hisser sur le surplomb rocheux pour s’y asseoir et prendre un moment à soi, à observer tranquillement les gens sur l’autre rive, les enfants s’amuser dans l’eau et la nature veiller sur l’ensemble. Et là, un peu plus haut que moi, il y avait un creux, un tout petit creux comme une paume ouverte, avec un tout petit peu de terre dedans. Et au milieu du tout petit peu de terre, un tout petit olivier avait décidé de pousser.
Il se hissait fièrement, haut comme trois pommes, sur ce minuscule lopin de terre qu’il avait choisi pour berceau. Sa beauté, sa témérité, étaient éblouissantes. Pensait-il vraiment pouvoir vivre et grandir sur cette poignée de terre dans la roche ? Sa taille semblait déjà démesurée par rapport à la terre dont il disposait, pourtant il était déjà arrivé jusque-là. Donc, sans doute, il savait. Il avait dû germer en connaissance de cause, en sachant bien que les pluies, les alluvions, les vents, finiraient par lui apporter tout ce dont il avait besoin pour s’épanouir et prendre sa place dans la majesté du paysage.
En levant les yeux vers la falaise, j’en voyais d’autres, des oliviers sauvages, qui faisaient vingt fois, cinquante fois la taille de mon tout petit voisin, qui avaient poussé presque à l’horizontale, sur trois fois rien, et qui pourtant vivaient, poussaient, faisaient feuilles et fruits, et offraient tout cela à la rivière au fil des saisons. Les feuilles d’olivier aux reflets d’argent devenaient radeaux pour les libellules.
Il devait y avoir une mémoire des arbres, une mémoire ancestrale, inaccessible à nos consciences humaines, qui amenaient les arbres à savoir où était leur place, à profiter de ce qui leur était donné ici et maintenant, et à accomplir leur destinée avec ce qui leur avait été donné. En toute quiétude. Sans urgence aucune. Il y avait dans ce petit olivier autant de sagesse que dans tout un monde.
Isabelle
isabelle.steenebruggen@gmail.com
Auteure de “Si j’étais ton fils”, “Ton premier enfant”
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